Industrie pharmaceutique : la compatibilité contenant-contenu, sujet à question ou sujet tabou ?

Le 28/07/2014 à 15:35 par La rédaction

industrie pharmaLa spécificité des produits innovants et l’usage croissant de matériels plastiques à usage unique nécessitent d’analyser avec soin les interactions contenant-contenu et d’identifier les risques associés au relargage de composants ou de perte de substance active lors de la fabrication. Les études de compatibilité entre le produit et les contenants présentent, par voie de conséquence, un enjeu majeur pour la maîtrise de la qualité du produit et la sécurité du patient. Témoignage d’Edwige Blanger, consultant chez Aktehom.

De manière à répondre aux requis de sûreté pour l’administration au patient, la réglementation impose d’étudier la compatibilité entre le produit et son conditionnement primaire[1],[2] et avec les matériaux constitutifs des équipements en contact produit (e.g. inox, verre) utilises dans les différentes phases de fabrication. Concernant le procédé, compte tenu de « l’inertie apparente » [3] de ces matériaux, les études étaient jusqu’à récemment limitées au seul dosage de certains résidus métalliques dans le produit fini[4]. La spécificité des produits innovants et l’usage croissant de matériels plastiques à usage unique remettent en cause ce postulat de base.

Au cours de la production, le produit pharmaceutique (contenu) se trouve en contact avec des matériels (contenants) constitués de matériaux susceptibles d’interagir avec lui. Des transferts de matière peuvent alors se produire entre contenant et contenu. Ces migrations sont de différents types et dépendent des caractéristiques physicochimiques du produit (solubilité des molécules, viscosité, pH, composition du milieu...) mais également des facteurs liés à la nature du matériau constitutif du système utilisé (perméabilité aux gaz, dureté, résistance...). Les transferts de matière peuvent se traduire par une adsorption 1a (adhésion du produit au contenant), une absorption 1b (dispersion du produit dans le contenant), une perméation 1c (passage du produit au travers du contenant) ou 3 (passage des molécules gazeuses ou liquides de l’environnement extérieur dans le produit) et enfin un relargage 2 (migration spontanée des molécules du contenant dans le produit). Ces transferts peuvent conduire à l’apparition d’impuretés lors de réactions chimiques entre le migrant et le produit.

Le niveau de risque pondéré par la détectabilité

Les interactions doivent être identifiées et évaluées quant à leur impact potentiel sur le patient. Les analyses de risque sont réalisées en évaluant des critères inhérents aux interactions. La gravite, représentative de la « quantité d’impuretés » ou de la « perte de produit », dépend des conditions d’utilisation. Sont à prendre en compte pour son évaluation, le stade de fabrication du produit (upstream et downstream) et les conditions de fabrication ou de stockage (durée de contact, température, ratio volume/surface). La probabilité est le reflet de la capacité d’interaction contenant / contenu. Elle est fonction du type de matériau en contact (verre, acier inoxydable, polymères...), des propriétés physicochimiques du produit (composition, pH, solubilité, viscosité, masse moléculaire...), de la nature du produit (solide, semi-solide, liquide) ainsi que des conditions opératoires d’utilisation du contenant (débit, pression, forces de cisaillement, prétraitement...). Le niveau de risque obtenu (PxG) peut être pondéré par la détectabilité qui dépend de la fiabilité et de la sensibilité des techniques utilisées pour mettre en évidence le résultat de ces interactions.

Les études de compatibilité permettent de garantir l’absence d’altération de la qualité du produit au regard du matériau utilisé. Il s’agit d’identifier et de quantifier les composes chimiques susceptibles d’être libérés du contenant dans des conditions extrêmes (solvant, température), les extractibles, ou dans les conditions normales d’utilisation des matériels, les relargables. Des méthodes analytiques non spécifiques (TOC, pH, conductivité) ou spécifiques (e.g. chromatographiques, spectroscopiques, gravimétriques) sont utilisées en fonction de la nature des composés (organiques, volatils, non volatils, métalliques, ioniques). Les potentielles interactions pouvant évoluer dans le temps, la stabilité d’un produit dans son conditionnement doit être étudiée de manière à démontrer que les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques du produit sont maintenues.

Des études de stabilité en conditions de dégradation accélérée ou en temps réel permettent de définir la durée limite de conservation et les conditions de stockage afin de garantir la qualité du produit. Les études de toxicité doivent être menées sur les relargables si leur présence est avérée.

Les études de compatibilité s’appuient sur des exigences réglementaires ou normatives (pharmacopées, lignes directrices EMA et FDA, norme Iso, recommandation BPSA...). Cependant, en pratique, leur application soulève des questions : Comment transposer les études décrites ? Comment prendre en compte les nouveaux materiaux / molécules biotechnologiques ? Comment évaluer les résultats ?

Pour répondre à ces questions et obtenir des résultats pertinents, une coopération étroite entre les fournisseurs et l’industrie pharmaceutique est impérative afin de sécuriser la production face aux risques inhérents à la démultiplication des contenants et des matériaux utilisés.