Morosi… quoi ?
Etrange climat de rentrée. A l’ère autoproclamée des écrans omniprésents, le quotidien de tout citoyen consommateur digne de ce nom est imprégné, pour ne pas dire imbibé, de discours et de mots. Le « jus médiatique » dans lequel infusent nos sociétés modernes, véhicule et instille une multitude d’expressions.
Véhiculées de bouches à écrans, SMS, emails et autres médias dits sociaux, ces expressions s’installent dans notre langage, sources d’évolution pour une culture vivante, mais aussi d’effets de mode.
Aujourd’hui, nous parlons de « buzz » et usons de gadgets linguistiques plus ou moins éphémères. L’un de mes préférés est sans aucun doute « ça me prend la tête », qui en révèle long sur certaines volontés à ne plus vouloir utiliser nos neurones. Il est, à mes yeux, symptomatique d’une évolution sociétale qui tendrait à satisfaire le quidam par la consommation et le plaisir immédiat, plutôt que de s’embêter avec des concepts tels que « pérennité » ou « maturité intellectuelle ». De plus en plus de pratiques sont accessibles à tout âge et tout de suite.
En témoigne, également, l’effet réducteur d’expressions à la mode qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser (si on le veut bien), transmettent très peu d’information tout en étant passe-partout. Les politiques en sont friands, la base même d’une langue de bois bien maîtrisée : « Nous allons tout faire pour résoudre le problème ». Déclaration d’intention qui veut « tout » faire croire et qui ne dit rien. On ne favorise pas la pensée critique, ni la pensée tout court. Les médias ne sont pas en reste et entretiennent les usages. Le « contexte est morose », en voilà une jolie information et un joli terme médiatico-politico-financier. Prenons le domaine industriel : il ne faudrait plus parler de difficultés, mais de « morosité industrielle ». Un comble : ne ce serait donc qu’une question d’humeur ! C’est « dans ta tête, prend un cachet ça va passer… »
Au « Journal des fluides » nous ne parlons pas de morosité, mais d’un fait incontournable : le contexte industriel est difficile (pas pour tout le monde non plus). Les professionnels ne sont pas moroses, ils sont engagés, réalistes, responsables, stratèges, entrepreneurs, innovateurs, … Ils sont sur le terrain (trad. : « dans le réel »).
Informer ce n’est pas véhiculer une image, mais être partenaire pour faire avancer la réalité.
A bon entendeur….
Pierre Mitev
Rédacteur en chef