Il n’est point nécessaire d’être fin gastronome pour percevoir l’orientation culinaire donnée depuis quelques décennies au contenu de nos assiettes. La société moderne a installé dans notre quotidien de consommateur une nouvelle forme de cuisine, souvent désignée sous le vocable de « cuisine d’assemblage ». Celle-ci se différencie de la cuisine traditionnelle en ce qu’elle repose sur des produits, généralement préparés ou semi-préparés par l’industrie agroalimentaire, accommodés selon un simple protocole d’assemblage. Le rapport avec les fluides ? Ceux-ci y tiennent, bien sûr, une part importante. Notre enquête sur les émulsions présentée ici peut légitimement faire penser à ce que l’on appelle la « cuisine moléculaire » destinée à
optimiser les réactions chimiques qui s’opèrent lors de mélanges, cuissons ou diffusions d’arômes. Mais la question du jour n’est pas là.
Où donc alors, me direz-vous. À y bien regarder, la grande diversité des industriels concernés par les fluides a, elle aussi, intégré cette notion d’assemblage. Au côté du savoir-faire de professionnels centrés sur l’une ou l’autre application, certains développent une offre globale permettant de prendre en charge l’intégralité d’un besoin, d’une installation ou d’une filière. Entre cette polyvalence d’assemblage et la politique de niche se joue la confrontation. Mais, plutôt que d’opposer le « pot de fer contre le pot de terre », le fast-food à la tradition, la logique financière face à celle de l’expertise, n’y a-t-il pas – comme toujours – une voie médiane ? En cuisine comme pour les fluides, ni l’expertise, ni l’industrie ne se suffisent à elles mêmes. L’agroalimentaire met en scène les grands chefs et la cuisine du terroir développe ses propres filières. Dans un sens comme dans l’autre, l’inspiration vient d’en face.
À méditer ?
LE JOURNAL DES FLUIDES MAI-JUIN 2011 N°44