Eaux recyclées
L'usine du géant laitier Danone, située dans le nord-ouest de la France, a obtenu une dérogation pour nettoyer ses équipements avec de l'eau retraitée. Danone espère pouvoir réutiliser 200 millions de litres par an sur les 600 retraités sur son site.
C'est désormais l'un des sites agroalimentaires précurseurs du réemploi des eaux usagées : l'usine Danone Pays-de-Bray, située à la Ferrières-en-Bray (76), a obtenu fin août une dérogation du Gouvernement afin d'utiliser de l'eau recyclée dans certaines étapes de nettoyage. Une avancée qui permettra à l'industriel d'économiser 30 % sur sa consommation d'eau annuelle, alors que le secteur agroalimentaire est encore en attente d'un décret pour généraliser cette pratique. Le feu vert pour le site normand a été donné dans le cadre de sa participation au programme « France Expérimentation », qui permet l'émergence de projets innovants. Une initiative que Danone a rejoint il y a un peu plus d'un an, avec un dossier déjà bien ficelé.
L'EAU AU COEUR DU PROCESS
« Nous travaillons depuis de nombreuses années sur la gestion de l'eau, témoigne Bruno Mauduyt, directeur de l'usine. C'est une ressource essentielle pour notre process. » La ressource hydrique est en effet au cœur de nombreuses opérations comme la production de vapeur, l'alimentation des tours de refroidissement ou encore le nettoyage des installations. Les 50 cuves de fermentation de 25 tonnes et les équipements du site nécessitent régulièrement des phases de nettoyage en place (NEP), alternant des étapes de rinçage à l'eau avec des ajouts d'acide et de soude. Ces opérations de rinçage sont effectuées avec de l'eau potable qui doit ensuite être retraitée avant d'être relâchée. Mais si l'usine est très demandeuse de cette ressource, elle est paradoxalement productrice d'eau. Le site est équipé depuis treize ans d'un osmoseur afin de concentrer le lactosérum. Cette étape permet de réduire son volume de trois à cinq fois en enlevant l'eau du lait. Au total, la production de yaourts, petits suisses et fromages génère plusieurs millions de litres d'eau par an, qu'il faut également retraiter.
UNE GESTION INTÉGRÉE
Ces eaux de process sont actuellement prises en charge par une station d'épuration (STEP), propre au site. Près de 600 millions de litres d'eaux usées sont purifiées avant d'être rejetées dans un ruisseau à proximité. « La norme française est stricte sur le volet des rejets et la qualité de cette eau est excellente, pointe Bruno Mauduyt. Mais cette qualité n'est pas suffisante pour être utilisée en process. » Danone Pays-de-Bray a commencé à travailler il y a quatre ans sur le principe de la réutilisation (reuse). Un pilote d'ultrafiltration a été mis en place avec un partenaire technique, Nalco Water, et avec l'appui de l'Agence de l'eau. Il a permis de valider la faisabilité du process. Il n'attendait plus que l'autorisation des pouvoirs publics, arrivée fin août, pour être mis en oeuvre à l'échelle industrielle. Danone espère ainsi, dès 2025, réutiliser 200 millions de litres par an afin d'effectuer les premiers rinçages des cuves et équipements de production lors des NEP Un . retour d'expérience qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives aux industriels de la filière laitière.
UN DÉCRET ATTENDU
À l'occasion de sa conférence de presse de rentrée, le 7 septembre 2023, la Coopération laitière avait rappelé la nécessité pour la filière d'obtenir rapidement un décret sur l'usage des eaux usées. « Nous attendons le décret du ministère de la Santé pour prouver que cette eau est propre et peut être réutilisée », assure Pascal Le Brun, président de la fédération. Alors que les filières laitières belge, allemande, espagnole ou encore italienne sont autorisées à réutiliser l'eau issue du séchage du lait, la filière française pourrait réduire de 23 % sa consommation en eau.