Très utilisée par les Allemands et les Autrichiens, la désinfection de l’eau par rayonnement UV (ultra-violet) tend à s’imposer en France. Elle peut constituer l’une des étapes d’un traitement « multibarrières », avec plusieurs phases de traitement ciblées. Performante pour la destruction des microorganismes, elle nécessite cependant une eau claire en amont. Pour Jean-Yves Perrot, du département UV/ozone d’ITT France, « les UV sont le seul vrai désinfectant des eaux destinées à la potabilisation ». Focus sur ce mode de désinfection en dix points.
Les eaux qui peuvent être concernées par le traitement par UV
Les eaux de surface peuvent être traitées par les UV pour en éliminer les micro-organismes pathogènes. Les eaux résiduaires, qui véhiculent tout une variété de bactéries et de virus plus ou moins dangereux pour la santé publique, peuvent également être traitées par UV. Les eaux de process qui exigent l’absence de désinfectant rémanent sont également un excellent vecteur d’application.
À quel usage pourront être destinées les eaux traitées par UV
On peut traiter par UV les eaux destinées à la potabilisation, les eaux de process pour la chimie, la pharmacie, dans l’agroalimentaire, les eaux à embouteiller, les eaux de piscine, mais aussi les eaux qui peuvent être réintégrées dans les nappes phréatiques ou encore rejetées dans le milieu naturel… Partout où une eau doit être désinfectée, les UV peuvent être utilisés.
Exemple de microorganismes contenus dans des eaux traitées par UV
Si l’on prend le cas des eaux usées, on pourra distinguer les principaux groupes suivants : les virus (entérovirus, adénovirus, reovirus, rotavirus pour les plus importants), les bactéries (entérobactéries, vibrionacées, spirillacées, pseudomonadasées, etc.), les protozoaires (amibes, flagellés, sporozoaires) et les vers (helminthes, nématodes, trématodes, cestodes, etc.).
Compte tenu des coûts analytiques pour dénombrer ces micro-organismes, on recherchera principalement les indicateurs de contamination fécale (les eschérichia coli, les coliformes fécaux, les coliformes totaux et les streptocoques fécaux). Ce sont des entérobactéries qui se trouvent dans le tube digestif de l’homme et sont rejetées dans ses selles. Leur présence est toujours associée à celle de germes pathogènes. Ils génèrent des infections urinaires, des infections cutanées, des abcès intraabdominaux, des endocardites bactériennes et également des septicémies. Parmi les germes pathogènes présents dans les eaux usées, on trouvera principalement : les salmonelles, les staphylocoques, les pseudomonas, les campylobacters, les clostridium perfringens et botulinium, le b.cereus, les shigelles, les légionelles, le virus de la poliomyélite, la listeria ainsi que bien d’autres virus. On les retrouve aussi chez l’homme mais également chez l’animal et/ou dans l’environnement. Ils provoquent des fièvres (typhoïdes, paratyphoïdes), des septicémies, des gastro-entérites, des intoxications alimentaires, des infections urinaires, des méningites. Le traitement UV permettra d’éliminer efficacement ces micro-organismes pathogènes.
Les conditions requises pour la désinfection par UV
Pour que ce traitement soit possible, il faut que la qualité de l’eau soit compatible pour laisser passer les rayons UV. Les principaux paramètres à prendre en compte sont au nombre de sept. Il faut évaluer la transmittance de l’eau (c’est la transparence de l’eau au rayonnement UV émis à 254 nm), la couleur (plus une eau sera claire, plus le rayonnement UV pourra la traverser), sa turbidité (plus elle sera faible, moins le rayonnement UV émis sera freiné ou détourné de son chemin). Seront également à prendre en compte la teneur en fer et en manganèse de l’eau, qui sont des sels métalliques pouvant précipiter sur les gaines protectrices des lampes, la teneur en matières organiques, qui peut absorber la lumière UV à 254 nm et enfin le caractère plus ou moins entartrant de l’eau.
Comment agit ce traitement par UV
Les UV agissent efficacement sur la plupart des micro-organismes (tous ceux qui ont un ADN ou un ARN - bactéries, virus, protozoaires etc.), mais avec des doses UV différentes, car leur sensibilité (ou leur résistance) diffère.
Les UV agissent sur l’ADN ou l’ARN des micro-organismes, en modifiant le nucléotide appelé thymine, l’une des quatre bases azotées des micro-organismes. Une fois cette modification effectuée avec la production d’un dimère, le micro-organisme ne peut plus se reproduire et il meurt. La dose UV ou fluence est le paramètre de dimensionnement d’une installation UV. C’est le produit de l’intensité émise par les lampes, multiplié par le temps de contact avec ce rayonnement, soit : intensité UV x temps de contact Watt/m² x seconde = Joule/m². En France, cette dose UV ou fluence doit être de 400 J/m² (400 Joule/m² = 40 mJoule/cm² = 40,000 uWatts/cm²) et dans ces conditions, on respecte les critères microbiologiques de potabilisation des eaux.
L’intensité UV émise et reçue
Les facteurs déterminants l’intensité UV sont tout d’abord ceux associés au type de lampes utilisées. Ce peut être des lampes à vapeur de mercure « basse pression », à faible ou forte intensité, des lampes à amalgame ou des lampes à vapeur de mercure « moyenne pression ». Les autres facteurs à prendre en compte sont l’intensité UV ou taux de fluence exprimée en Watt/m² émise par la ou les lampes, l’épaisseur de la lame d’eau traversée, l’absorbance de l’eau (ou sa transmittance UV) et enfin la durée de vie des lampes et leur facteur de vieillissement.
Les deux méthodes pour déterminer la dose UV nécessaire : la méthode PSS et la méthode par biodosimétrie.
Pour la méthode dite PSS (Point Source Summation), on utilise un logiciel mathématique qui va calculer l’intensité moyenne émise en tous points dans le réacteur. Cette méthode ne prend pas en compte l’hydraulicité du réacteur et la sensibilité des micro-organismes à éliminer. La méthode par biodosimétrie est une méthode qui va permettre de valider des résultats de désinfection réalisés parallèlement en laboratoire et sur le réacteur industriel « grandeur nature ». Cette méthode apporte une garantie à l’utilisateur final que le réacteur acheté va lui assurer le niveau de désinfection attendu.
Le matériel nécessaire à ce traitement par UV
Les lampes UV qui vont servir à la désinfection de l’eau peuvent s’installer dans un réacteur fermé ou dans un chenal ouvert. Dans un réacteur fermé, les lampes UV seront dites à vapeur de mercure, basse ou moyenne pression. Dans un réacteur ouvert, elles seront toujours « basse pression ». Les réacteurs fermés sont généralement utilisés pour la désinfection des eaux destinées à la potabilisation ou pour les eaux de process. Les chenaux ouverts seront, eux, utilisés pour la désinfection des eaux résiduaires urbaines traitées avant rejet ou avant réutilisation.
Les lampes à « basse pression », de vapeur de mercure sont des lampes monochromatiques qui émettent à une longueur d’onde (254 nm), très proche de celle de l’inactivation des micro-organismes à environ 260 nm. Les lampes « moyenne pression » émettent entre 300 et 400 nm et sont donc poly-chromatiques. Elles émettent un spectre plus large dans les UV, mais moins efficace car la bande à 254 nm est plus faible. Ces lampes MP ou « moyenne pression » sont très énergivores, ont un mauvais rendement (rapport entre la puissance électrique consommée sur la puissance UVC émise). Par contre, les réacteurs équipés de lampes MP sont plus petits et peuvent être installés dans des environnements étroits, conditions qui pénalisent grandement les réacteurs équipés de lampes BP ou « basse pression » lorsque les débits à traiter deviennent importants (> 1 000 m3/h).
Atouts et limites du traitement de l’eau par UV :
Les réacteurs UV permettant la désinfection de l’eau sont d’abord faciles à installer et à utiliser. Ils n’agissent pas sur la matrice physico-chimique de l’eau : l’eau qui en sort est identique à la qualité physicochimique de l’eau en amont, elle sera juste désinfectée en plus. Tous les autres désinfectants de l’eau (chlore, eau de javel, bioxyde de chlore, ozone) vont tous avoir d’autres effets sur l’eau alors que les UV ne vont s’occuper que des micro-organismes. De plus, ils ne provoquent pas de sous-produit ni de résiduel.
Si l’investissement de départ dans le réacteur permettant le traitement est plus ou moins important, ce traitement est ensuite l’un des moins chers existants. Sa consommation énergétique est faible et les lampes à UV seront à changer toutes les 10 000 à 15 000 heures.
Une seule condition limite ce procédé de désinfection : la qualité de l’eau à traiter. Elle doit impérativement être assez claire pour que la désinfection soit efficace et ne limite pas l’action du rayonnement UV. Au niveau du consommateur, les UV ont l’avantage de ne pas avoir d’action sur les goûts et les odeurs, de bénéficier d’une absence de corrosion et de produits chimiques dangereux. Enfin, ils ne provoquent pas d’accoutumance comme avec le chlore.
Les certifications en France et en Europe
En France, seul le décret 1 321- 50 réglemente l’utilisation des UV pour la désinfection de l’eau destinée à la consommation humaine lorsque les équipements UV sont utilisés pour lutter contre les parasites cryptosporidium et giardia. Il impose que les réacteurs UV équipés de lampes « moyenne pression » ou de lampes « basse pression », soient vendus avec une certification française.
En Europe, les principaux pays utilisateurs de cette technologie ont des conditions de certification proches de celles de l’Allemagne et l’Autriche, les deux pays moteurs. L’ÖNORM M 5873-1, norme en usage en Autriche, impose par exemple les conditions suivantes pour la certification des procédés UV : une fluence (ou dose UV) de 400 J/m² exprimée en dose équivalente mesurée à 253,7 nm, l’utilisation d’un micro-organisme test (les spores de bacillus subtillis), la biodosimétrie utilisée pour dimensionner le réacteur UV (comparaison essai labo et réacteur « grandeur réelle »), une sonde UV standardisée, calibrée en W/m² ainsi que le suivi de certains paramètres tels que la transmittance UV, le débit d’eau maximum, l’intensité UV (maximum de débit, intensité UV minimale donnée par la sonde UV et transmittance UV minimale). Une certification européenne serait bienvenue mais n’existe pas encore.
Expertise réalisée par Emmanuelle Genoud avec la coopération de Jean-Yves Perrot, responsable des applications industrielles, référent technique ozone UV, chargé du service cotation pour le département UV/ozone chez ITT France.
Paru dans Le Journal des Fluides N° 38 - Mai-Juin 2010